CECI n'est pas EXECUTE lias : Axe 3 – LIAS

Axe 3 – LIAS

3. Anthropologie 
sémiotique


3.1 – Voix
 intérieure (Victor Rosenthal)

Il s’agira de poursuivre les recherches sur le phénomène de la voix intérieure, pensée non pas tant comme un discours s’adressant à une intériorité mais comme une voix qui se dédouble en nous et se répond (même si c’est par un silence). Avec le concept de la voix intérieure, la parole à soi ne se cantonne pas au registre d’un discours au service de la pensée, et ne relève pas davantage d’un défaut de maîtrise de soi, elle devient une institution de la vie humaine, et à ce titre elle est un vecteur essentiel de la vie psychique et sociale et son régulateur. Elle conforte l’autonomie de l’être face à l’actualité : c’est la possibilité d’un décrochage par rapport au mode purement immersif et participatif de la perception et de l’action, et donc d’une prise de distance, d’un retour réflexif. En tant qu’agence, porte-parole, instance morale (je suis constamment sous la pression de l’« autre voix »), la voix intérieure m’institue comme sujet répondant de mes actes. Et de par son activité incessante, elle est un vecteur essentiel de la sémiotisation de l’être.

Il y a dans cette institution de la vie humaine le pouvoir de la langue commune, qui, bien sûr, était déjà là, et qui donne forme à ces échanges. Il y a aussi une transposition des rapports sociaux entre instances : de sorte que, non seulement, même dans ma solitude, je reconduis un mode de vie social, je suis astreint à y respecter les normes de cette vie. Et lorsque je m’autorise à les enfreindre, même sans témoin, je ressens un malaise (on peut rougir tout seul), voire la satisfaction d’avoir eue l’audace de cette transgression – ce qui revient au même. Ici ce dessine le paradoxe de cette institution où la voix intérieure joue à la fois l’agent du collectif (langue commune, normes de vie sociale) et est au fondement de l’individuel (autonomie du regard, statut de sujet). Certes le paradoxe n’en est pas vraiment un ou alors vis-à-vis de l’individualisme psychologique (qui conçoit l’individu comme une instance préalable à sa socialisation), ou de toute thèse qui comprend la société comme une agrégation d’individus. Reste que c’est en me parlant la langue commune, avec tout ce qu’elle charrie de répertoire normatif, prescriptif, symbolique de la culture que s’installe dans mon être une profondeur, un recul face au flux du monde (événementiel et social), et que je me constitue comme individu.

On peut donc soutenir que la pratique incessante de la voix intérieure sémiotise notre vie de part en part. Ce n’est pas que le monde de la perception et de l’action soit dépourvu d’une sémiotique, qui est à l’œuvre dans tout vécu « participatif ». Mais le soliloque apporte aussi ses scansions, son arsenal rhétorique (on peut changer l’objet de l’attention sans rupture thématique), ses formes compactes (fragments mythiques, formules denses), la focalisation et la différenciation, la structuration et la mise en forme, que seule une expression instituée et articulée est à même d’offrir. Tout cet arsenal sémiotique au service de la voix intérieure pénètre notre rapport au monde et à nous-mêmes, et intervient dans l’animation et la régulation de la vie psychique. La voix intérieure ne fait certainement pas tout – et d’ailleurs la pensée, l’imagination, la vie psychique, ne se manifestent pas nécessairement sous une forme discursive ni d’ailleurs consciente – mais c’est par elle que se matérialise le lien entre les faits sociaux et les faits psychiques ainsi que la continuité du sujet.

L’objectif pour les années à venir est d’approfondir la description anthropologique du phénomène, de pousser plus loin la problématique de l’émergence de la posture morale, de la formation de la vie psychique (notamment par la reprise à son compte de la rhétorique des échanges quotidiens et des formules denses issues du répertoire normatif, prescriptif et mythique de la langue) et d’explorer les variations fines de cette formation en fonction des formes culturelles spécifiques.

3.2 – Imagination 
sémiotique (Yves-Marie Visetti)

Une approche radicalement perceptiviste des formes et des activités sémiotiques remet nécessairement en cause les oppositions traditionnelles entre perception et langage, en dégageant à leur racine une structure chiasmatique d’anticipation réciproque, de co- générativité, de profonde homologie dans les modalités de déploiement. Il n’y a donc plus, comme chez Kant, nécessité d’une médiation (schématisante) entre deux pôles hétérogènes comme un entendement et une intuition. Toute médiation se comprend en effet comme couplage, entre-expression, hybridation de régimes de formation ; tandis que toute instance sémiotique répond à un certain régime de perceptibilité (donc de temporalité). On voudrait alors reconsidérer les déterminants principaux d’une problématique phénoménologique et sémiotique de l’imagination : notamment l’intrication à la parole (intérieure comme proférée), la part de la conscience imageante (les dites images mentales), la dialectique présent/absent, la dialectique réel/fictif, la dimension sociale et/ou instituée (l’imaginaire, comme mythe, ritournelle et captation de l’événement), et au premier chef (primat de la perception oblige !), la conception de l’imagination comme part intégrante, essentielle, de toute perception / action sémiotique. Sur certains de ces points, les travaux antérieurs sur les scénographies proverbiales (avec P. Cadiot), ou sur les dynamiques métaphoriques (avec Jean Lassègue et Victor Rosenthal) indiquent des directions dans lesquelles poursuivre.

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